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dans le nid d’aiglons, la colombe

viendrait à celle de son père. Elle ne gérerait pas elle-même ses biens, mais elle pourrait en faire l’usage qu’elle voudrait, les répandre en aumônes ou en bonnes œuvres. Sur ce point, ses aviseurs contrecarrèrent sa volonté. Elle se soumit. Elle gémit de ne pas se voir réduite à la « pauvreté réelle et effective ».

Puis M. Séguenot lui imposa d’autres conditions. Jeanne abandonnerait ses prostrations au moment de l’Élévation et de la Communion. Elle n’irait plus à la grand-messe et aux Vêpres et, ainsi, ne ferait plus la quête pendant les offices, ne distribuerait plus le pain bénit. C’était rendre sa réclusion plus hermétique, la retirer du monde plus complètement. Il est probable aussi qu’il régla la discipline qu’elle s’infligeait déjà de même que ses autres mortifications et mesures pénitentielles. Il suivait de près sa pénitente.

Il remania aussi son règlement. Il remplaça la grand-messe par une heure d’oraison ; de même pour les Vêpres. Il ajouta la lecture de quelques vies de saints. Elle récita, le mercredi, l’office de la Sainte Croix que l’on découvre souvent dans les anciennes règles pour les recluses ; puis certains jours, celui de saint Joseph et les litanies du même saint. Elle se confesserait tous les huit jours, communierait le mardi, le jeudi et le samedi. Et, « ce qui luy restoit de temps après la prière étoit tout employé au travail » manuel. Sans doute, elle n’aura jamais de supérieure comme les moniales recluses dans des maisonnettes rapprochées des monastères. Pour compenser les mérites qu’elle aurait tirés de l’obéissance, elle se fera une loi de se soumettre en tout au confesseur qui la dirigera pendant son existence.

C’est ainsi que vit Jeanne Le Ber pendant dix ans. La réclusion à laquelle elle s’est condamnée n’est pas complète. Qui le désire peut la voir à la maison quand elle passe, dans la rue quand elle se rend à la messe, de même que dans l’église. En