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le premier reclusoir

et leur boulangerie, environ à 12 ou 13 pieds de la rue ». Reconstruite en 1654, moitié pierre, moitié colombage, de cinquante pieds de long sur 34 de large, elle menace ruine et déjà il a fallu étayer les bâtiments adjacents. À partir de 1683, Jeanne se rend-elle à l’église paroissiale construite dans l’axe de la rue Notre-Dame, plus loin, en haut du coteau ? Il est à peu près sûr qu’elle doit l’adopter. Elle va à la messe en compagnie d’une servante. Elle chemine sans lever les yeux sur les spectacles que peut lui offrir la rue. L’hiver, à cette heure matinale, nuit complète ; en été, la magnificence de l’aube.

Bientôt surviennent deux grands événements qui la mettent à l’épreuve. En 1682, nous assistons à la maladie puis à la mort de Jeanne Le Moyne, la mère. On mentionne le fait sans le garnir des détails qui renseigneraient la postérité. Elle n’a probablement pas atteint la cinquantaine. On l’imagine mince comme sa fille, on croit qu’elle meurt de la même maladie. Jeanne se conduit comme une véritable recluse. Elle résiste aux élans de l’amour filial, de la pitié. Elle n’apparaîtra que pour embrasser la morte, donner à Marguerite Bourgeoys et à sa compagne, les draps qu’il faut pour l’ensevelir. Assiste-t-elle aux funérailles ? C’est possible, mais on ne le dit pas. Elle garde son chagrin dans son cœur.

Puis, en 1683, meurt en odeur de sainteté, l’amie des premières heures, Marie Charly. De 1677 à 1680, elles ont eu des conversations intimes quand l’amour de Dieu commença à les ravager toutes les deux et à les incliner, chacune, vers son destin particulier. Une tradition tenace mêle leurs deux noms même après la réclusion de Jeanne. Son premier historien parle de la vue d’un cadavre qui aurait produit une impression terrible sur elle et aurait été ainsi l’une des causes de sa vocation. S’agit-il de celui de Marie ? Il se peut. Mais dans ce cas, l’événe-