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dans le nid d’aiglons, la colombe

des autres. Mais pense-t-elle aussi que l’Église, corps mystique du Christ, se doit de continuer par le silence, la solitude, la prière, les moments où Il quitta la foule pour converser avec son Père ? Savait-elle qu’en s’unissant directement à l’amour de Dieu pour les hommes, elle adoptait l’existence la plus féconde et la plus active qui soit ? Désirait-elle verser les eaux vives dans le grand réservoir de grâces qui coule continuellement sur l’humanité ? Espérait-elle l’union à Dieu qui peut produire les visions, les extases ? Voulait-elle décupler les forces spirituelles qui permettent l’expansion de la religion ? Nous ne le savons pas. Dans les suppositions, il faut se garder de deux dangers. D’abord, la contemplation est une très ancienne tradition de l’Église ; de nombreux traités avaient déjà couvert le sujet ; le dix-huitième siècle la connaissait mieux que nous et d’une connaissance plus intime, influant mieux sur les actes quotidiens. Alors, il est impossible d’imaginer une Jeanne Le Ber qui n’ait rien compris à la réclusion. Tout au contraire. D’un autre côté, il ne faut pas fouiller sa vie pour y découvrir des complications. Elle a une simplicité de foi et d’attitudes qui surprend. En elle, tout est clarté, équilibre, justesse. En apparence, rien de bien mystique. Mais regardons-y à deux fois : pas un moment de son existence qui n’ait une relation avec le Christ. Et lucidement.

Les Sulpiciens ne s’emballèrent pas, l’expérience était trop dangereuse. Soit, Jeanne Le Ber deviendrait recluse dans le logis paternel. Mais elle passerait par une période de probation, une espèce de noviciat de cinq ans, de 1680 à 1685. Vœu de chasteté, mais non définitif. Vœu de solitude et de réclusion, mais qui pourra être adouci au besoin ; car si le charisme n’est pas authentique malgré les apparences, il pouvait aboutir au déséquilibre mental ou à d’autres maux. Jeanne paraît avoir un