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dans le nid d’aiglons, la colombe

elle ne mord guère. Survient une fête de Noël ; la Communauté prépare un petit drame chrétien, pour cultiver en même temps que la dévotion, la mémoire, la diction. On répartit les rôles. Lequel plairait à la « jeune demoiselle de Ville-Marie ? » Celui du petit Jésus. Mais pourquoi ? Et soudain, vivement, elle donne cette réponse étonnante, saisissante : « C’est que le petit Jésus ne dit mot et ne remue point, et que je voudrais l’imiter en toutes choses ». Les Ursulines l’arrangeront peut-être après coup, mais c’est un mot si curieux, si plein d’avenir qu’on ne l’invente pas. On dirait que le secret d’une âme affleure soudain. Il surprend d’autant plus qu’il sort de la bouche d’une petite bavarde.

On dirait qu’elle est sensible aux effluves qui flottent dans ce monastère fondé et ensuite formé par la grande mystique, Marie de l’Incarnation. D’autres religieuses, la propre tante de l’enfant, continuent la grande tradition bien posée, encore vivante. Ici règne l’amour de Dieu. On s’offre en sacrifice pour l’évangélisation et « l’amplification » du christianisme. Jeanne, secrètement accessible aux choses spirituelles, boit déjà à cette source qui l’enivre. C’est ce qu’indiquera nettement son premier biographe. Ici, dira-t-il, elle « puisa sa fervente dévotion Envers le St Sacrement qui dura toute sa vie ». Un autre le répétera avec moins de concision : « …Elle puisa dans la maison des Ursulines trois sortes de dévotion aussi solides dans leur nature que salutaire dans leurs effets. La première avait pour objet le très saint Sacrement, la seconde, la sainte Vierge, la troisième, les bons anges et surtout l’Ange Gardien ». Il ajoutera plus loin : « Dans la maison des Ursulines, Mlle Le Ber eut occasion de se former à la première de ces dévotions parce que les instructions, les exemples, les travaux, tout respirait l’amour pour ce grand mystère, et elle sut en profiter ». Voilà une âme marquée du sceau de Marie de l’Incarnation.