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dans le nid d’aiglons, la colombe

reçoit du Sauveur « des Caresses toutes particulières ». Puis Catherine Macé qui sera la grande amie de Jeanne, pendant son enfance, son adolescence et son âge mûr. Ces deux-là se découvrent, dès le premier jour, unies par une amitié aussi imprévue que durable. Elles auront des entretiens sans fin. Pourtant, ma sœur Macé, fille d’un riche armateur, vient d’atteindre la cinquantaine, quand la fillette bavarde autour d’elle. Sœur Morin, dont la subtile ironie se joue au coin des phrases, s’amuse de bon cœur lorsqu’elle parle de sa compagne.

Dans cet Hôtel-Dieu, elle cherchait à « se procurer l’advantage di estre la dernière de toutes ». Si on l’élisait supérieure, comme la chose arriva à maintes reprises, elle tombait « dans une afflixion à faire pitié et tirer les larmes ». L’instant d’après, elle usait de son poste pour se confier à elle-même les offices de « lingère, dépancière, cuisinière et de la Basse Cour » ; c’est-à-dire le soin diligent des vaches et des porcs que les sœurs devaient entretenir pour subsister. Durant les années 1660-66, quand les partis iroquois assaillaient la place, « toutes les fois que sonnet le toquesin, …ma sr Maillet tombet deslors en feblesse dans lexcès de la peur, et ma sœur Macé demeuroit sans paroles et dans un estat à faire pitié, tout le temps que duret lalarmes, allans se cacher lune et lautre dans un coin du jubé, devant le tres St Sacrement pour se préparer ala mort, ou dans leur cellule ».

Quant à l’intrépide Judith Moreau de Brésolles, elle continuait à vaquer à ses occupations du moment. Et sœur Morin qui était venue à Ville-Marie, dans l’espérance du martyre, à treize ans et demi, montait au clocher pour suivre les péripéties