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dans le nid d’aiglons, la colombe

à cette entreprise. Une vague de mysticisme français, qui avait laissé Marie de l’Incarnation, la grande, sur le promotoire de Québec, en 1639, qui déferlerait sur une partie du continent, se heurtait ici à un écueil.

À partir de 1660, pendant six ans, cette guérilla iroquoise se révélera pleine d’insistance et de férocité. L’angoisse d’une mort soudaine, l’appréhension des tortures, attiseront les sentiments religieux de ces ménages dont les enfants naissent en nombre et s’adaptent à la contrée.

Ni les Le Moyne ni les Le Ber ne flottent au-dessus de la tragédie. Charles Le Moyne qui s’est distingué dans des actions antérieures, se signale dans les nouvelles. Jacques Le Ber qui avait vingt-quatre ans lors de son mariage, a appris tout de suite le maniement du canot d’écorce algonquin et le gouverneur lui assignera des missions spéciales aux Trois-Rivières ; ou bien il s’y rendra seul, chaussé de raquettes, l’hiver, le long du fleuve. Ils seront l’un et l’autre membres des escouades de la Sainte-Famille qui veilleront sur les travailleurs. Bien plus, Charles Le Moyne sera capturé un jour ; toutefois, il sait la langue des ennemis et il leur parlera avec tant de force et de plausibilité qu’il évitera non seulement le supplice, mais les inclinera à la paix.

La plus douloureuse victime de cette période est Anne Le Moyne qui n’avait peut-être pas encore vingt ans. Son mari, Michel Messier, disparaît au cours d’une escarmouche entre une vingtaine de bûcherons, dans la forêt, et deux cent soixante guerriers ennemis. Quatre d’entre les premiers sont tués, six sont capturés. On ne retrouve pas le corps de Michel. Anne peut imaginer les tortures effroyables auxquelles il sera soumis. Aucune nouvelle ne filtre dans les mois qui suivent, c’est l’opacité du silence.