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dans le nid d’aiglons, la colombe

Et ne lui était-il pas arrivé de dire qu’elle n’avait jamais manqué à son règlement ? Comme tous les grands solitaires, elle avait compris qu’il ne suffisait pas d’embrasser l’état le plus saint de l’Église pour se sauver ou devenir une sainte. Encore fallait-il que son existence quotidienne répondit à un tel idéal.

Reçut-elle en retour le privilège de visions ou d’extase, comme Catherine de Sienne ou Marie de l’Incarnation ? Pas du tout. Le témoignage de ceux qui l’ont approchée est irrécusable. L’un d’eux dira ce qui suit : « Son oraison mentale a été très douce et tranquille dans les commencements, mais plus de vingt ans devant sa mort, elle a passé dans une continuelle sécheresse, aridité et obscurité, n’y ayant pour guide que la pure foy, et pour soutient que l’accomplissement de la volonté de Dieu ; elle avoit de temps En temps véritablement de certains regards imperceptibles très vifs et très sublimes ».

Deux périodes très distinctes partagent donc sa réclusion. Durant la première, de 1680 à 1695, c’est la pierre d’aimant qui la pénètre de ses effluves. Elle éprouve toutes les délices spirituelles imaginables. Elle court vers ce Dieu qui l’abreuve, au jour le jour, de ses splendeurs et de sa gloire. En un mot, elle est comme l’enfant que l’on nourrit d’un lait savoureux. Mais après l’entrée dans la maison de Nazareth, elle est l’adulte qui doit savoir marcher toute seule. Les épreuves surviennent. Bien des auteurs ont parlé de cette aridité et de ces sécheresses par lesquelles passent les candidats à la sainteté. Elles furent si continues, si douloureuses qu’on invita Jeanne à changer de directeur de conscience. Elle refusa toujours. Elle conserva sa fidélité à M. Séguenot qui l’avait initiée à la contemplation. Plus encore, elle ne voulait pas se soustraire à la volonté de Dieu à cet égard. S’il voulait ce supplice, elle s’y résignait. Encore hier,