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l’envol de la colombe

était convenu. Ce tombeau fut longtemps un lieu de pèlerinages et de neuvaines secrètes.

Bien au courant de la vie de l’ermite, Monsieur de Belmont avait parlé d’elle en termes émouvants. Pour lui, Jeanne Le Ber a « eu le courage de renouveler… la vie sublime des anciens anachorètes ». Il sait que « la vie solitaire a toujours passé pour le plus haut degré de la sagesse chrétienne et pour le triomphe de la grâce ». Comparant la réclusion de Jeanne à celle des Ordres contemplatifs du temps, il lui donne le premier rang parce qu’elle fut totale : « … Notre admirable anachorète n’a voulu voir que les quatre murs de sa petite cellule : toujours ces mêmes murs, sans se lasser jamais ». Elle avait fermé les yeux à tout le reste. Elle avait imité Marie « qui conférait intérieurement avec Dieu ». Son appartement n’a été « qu’une expression de la mort, de la sépulture du Christ ». L’orateur célèbre les vertus qu’elle avait cachées à tous : son innocence, sa simplicité, sa fortitude, son humilité, son amour des pauvres, « son zèle pour la décoration des autels » ; et aussi ses mortifications, surtout par le froid « qui assiégeait cruellement son corps, naturellement faible et délicat, étrangement desséché et amaigri par les pénitences ». Enfin, il sut rappeler quelques beaux versets du Cantique des Cantiques et signaler combien elle se rapprochait de saint Jean l’Évangéliste qui avait reposé sur le sein du Sauveur, le soir de la Cène. Même hardiesse permise dans le désir de l’intimité continuelle. « Pendant vingt ans, elle a brûlé devant votre Tabernacle, comme une lampe ardente et brillante ».

Trois siècles ont passé, mais cette oraison funèbre n’a pas vieilli.