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dans le nid d’aiglons, la colombe

mande, on tire les rideaux de son lit et elle refait la solitude autour d’elle dans sa cellule maintenant envahie.

À Québec, en ce même jour du deux octobre, passait de vie à trépas, Marie Le Ber, Ursuline, tante de la recluse.

Peu à peu, Jeanne se sent maintenant mourir. Elle demande l’Extrême-Onction qui lui est administrée la nuit, vers deux heures. Plus tard, elle prie l’infirmière que l’on referme les rideaux de son lit. Elle conserve son besoin d’isolement, de retraite ; elle veut être encore seule avec Dieu, continuer son dialogue. C’est vers neuf heures du matin qu’elle expire ainsi en plein cœur du silence et de la paix. Elle avait un peu plus de cinquante-deux ans. Elle avait vécu en réclusion pendant trente-quatre ans.

C’est alors que les religieuses constatèrent dans quelle pauvreté effective Jeanne Le Ber avait vécu. Les belles laines et les fils dorés, elle les avait gardés pour les vêtements sacerdotaux et les linges d’autel qu’elle fabriquait.

Les religieuses l’exposèrent pendant deux jours, dans la chapelle, la maison de Nazareth. Le peuple voulait voir celle qui, pendant si longtemps, s’était dérobée aux regards. Sa réputation de sainteté était répandue partout. Les plus fervents réclamaient quelques parcelles de ses moindres dépouilles. Ils voulaient toucher le corps avec leurs objets de piété, chapelets et missels. Des funérailles publiques eurent lieu à l’église paroissiale. M. de Belmont prononça son oraison funèbre. Le lendemain, nouvelles obsèques à la Congrégation ; personne ne se présenterait plus à la fenestrelle, du côté de l’Évangile, pour recevoir la communion. Et l’on déposa la dépouille mortelle dans le sol de la chapelle, à côté de celle du père, comme il