Durant ces dix-neuf années à la Congrégation, Jeanne Le Ber eut aussi des entretiens avec quelques religieuses qui passaient par des crises spirituelles. M. Séguenot lui avait imposé cette autre obligation. S’était-il souvenu des ermites camaldules vivant dans des cellules autour d’un monastère et qui devaient recevoir, à des dates déterminées, les jeunes moines qui désiraient s’entretenir avec eux pour s’édifier ou obtenir des directives ? Dès le douzième siècle, ils remplirent ce devoir qui brisait un peu la rigidité de leur réclusion. Jeanne Le Ber se rattachait ainsi à une tradition très sûre. Combien de sœurs de la Congrégation profitèrent de cet avantage ? Qui étaient-elles ? Nous ne le savons pas. Le nombre en fut sûrement très restreint. Son premier biographe nous en dit quelques mots : « Des sœurs ayant obtenu permission de lui parler, elle répondait succinctement, ne disoit rien d’inutile, terminoit brusquement si la cloche sonnoit… ». On rapporte certains propos : « …Il faut toujours être fidelle à son Règlement, on ne ségare jamais en le suivant, on est assuré qu’on fait la volonté de Dieu qui demandoit cette fidélité sans quoy elle ne pouvoit se sauver. Il lui est échapé de dire à une personne de confiance quelle navoit jamais manqué à son reglement… »
Une autre indication fournit plus de substance. Dans l’un de ces entretiens, le sujet vient sur la Sainte Vierge. Jeanne dit alors que « cette raison destre dans une maison de la très s/te vierge a été très engageante pour my attirer, il luy prit ensuite dit cette sœur un transport de joye, disant que tout son contentement étoit dimiter la s/te vierge tant pour sa solitude que pour son habillement quelle croyait estre à peu près semblable au sien ; je puis dire ajoute cette sœur que quand on sortoit d’avec elle, on se trouvoit tout son courage à pratiquer la vertu, et dans un recueillement que les personnes les plus dissipées éprouvent ordinairement à la fin dune retraite tant les choses quelle disoit étaient encourageantes ». En un mot, elles avaient le cœur chaud comme les disciples d’Emmaüs, après avoir causé avec elle.