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la bienfaitrice

pas surseoir plus longtemps. Elle l’encourage, l’assure que tout ira bien. Elle l’épaule enfin de telle sorte que la bâtisse s’entreprend, se poursuit rapidement, dans l’optimisme et l’ardeur. Rien ne vient troubler les travaux. Et le 9 septembre 1714, elle apporte une aide substantielle. Cette fois-là encore, grande réunion dans la cellule de la recluse « en Retraite depuis nombre d’années dans la Maison et Communauté des filles séculières de la Congrégation de notre dame », Elle déclare aux notaires royaux « résidants à Ville Marie », qu’elle projette depuis longtemps « d’Employer En œuvres de piété et de charité Le peu de biens qu’il a plu à Dieu Luy départir » ; elle croit que le meilleur usage qu’elle peut en faire à la gloire de Dieu est de constituer « un fonds desdits biens dont le Revenu soit appliqué au Soulagement d’un nombre de pauvres filles ». Non pas en leur donnant de l’argent, mais en leur procurant « toutes les instructions et Éducations nécessaires », tant pour les choses Spirituelles que temporelles ». Après avoir réfléchi et demandé conseil, elle a pensé que personne ne pourrait mieux remplir ce rôle d’éducatrices que les sœurs de la Congrégation « dont la conduite édifiante et les grands travaux lui sont connus », de même que leur amour pour les pauvres. Alors, elle établit « un fonds de la somme de treize mil trois cents une livres monoye de France » ; les notaires énumèrent ici les sources d’où viendra le montant : et l’on voit de quelle façon précise Jacques Le Ber avait voulu protéger sa fille contre les aléas de l’existence. Cette fois, Jeanne Le Ber ramasse les reliquats de sa fortune pour les offrir en suprême don ; demain, il ne lui restera plus rien. Demain, elle pourra mourir dans la pauvreté réelle et effective qu’elle avait toujours rêvée sans qu’on lui donne permission d’en venir là. Dans ce « Contrat portant Fondation… aux sœurs de la Congrégation de Montréal », elle peut enfin se dépouiller.