fourni au Christ, comme le dit sainte Catherine de Sienne, la chair qui serait crucifiée. Ce fait n’entraîna pas dans ces femmes des sentiments d’inimitié. Bien au contraire, Marguerite Bourgeoys parle de la recluse, plus jeune qu’elle, avec beaucoup d’estime. Elle constate que l’autre représente un Ordre différent, très élevé aussi. Quant à Jeanne, elle aura l’occasion de rencontrer quelques religieuses de la Congrégation qui passent par des crises spirituelles. C’est alors qu’elle leur dira, avec volubilité, le bien qu’elle pense de la Congrégation de Notre-Dame et de sa fondatrice. Ses paroles indiquent qu’elle n’ignorait rien des idées de la sainte exprimées verbalement ou par écrit. Elle les tenait en haute considération. Elle en parlait avec tant de chaleur que les sœurs repartaient le cœur ardent.
Tous ces faits posent le problème historique des relations de Marguerite Bourgeoys et de Jeanne Le Ber. Les historiens de l’une et de l’autre ne nous les représentent guère l’une en face de l’autre, se parlant et se comprenant. Ils mentionnent quelques rencontres auprès du cadavre de Jeanne Le Moyne ou de Vincent Le Ber, quand Jeanne est déjà confinée dans son reclusoir et ne peut plus parler. On ne sait pas, de science certaine, si Marguerite enseigna elle-même à l’enfant. Puis, celle-ci part pour le monastère des Ursulines. Au retour, quand elle choisit sa vocation, pendant trois ans, rendit-elle visite à la Supérieure pour explorer la voie de la Congrégation, comme faisaient ses cousines et son amie, Marie Charly ? Sur ces points, aucun renseignement précis. Il reste que toutes deux vivaient dans le même temps, dans une ville ou, plutôt, un village qui ne comptait pas encore beaucoup d’habitants : quelques centaines d’abord, puis ensuite, quelques milliers. Elles se sont certainement vues, se sont parlé et plus d’une fois. Ainsi, à un baptême, Marguerite est la marraine et Jacques Le Ber, le parrain. Jeanne vit dans son ambiance, dans son sillage. Son rêve de s’attacher aux Religieuses séculières indique une connaissance précise de l’atmosphère de la communauté.