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traites et poste de traites

Entre huit et neuf heures du matin, Champlain se présente sur les lieux ; l’on tient immédiatement une autre assemblée. Le débat tourne tout de suite autour de la libération du prisonnier. Les Indiens demandent que le meurtrier soit élargi ; il aurait commis son crime sous l’influence de l’eau-de-vie ; « tiens ton vin et ton eau-de-vie en prison, disent-ils, ce sont tes boissons qui font tout le mal, et non pas nous autres ». Champlain s’obstine ; il refuse avec énergie. De leur côté, les capitaines hurons ne veulent rien promettre : leurs subordonnés ne respecteront peut-être pas l’existence des missionnaires, et ils ne possèdent point d’autorité sur eux. Le ton de la discussion s’élève peu à peu : on se menace, on s’irrite.

Enfin, les Jésuites et Champlain décident que les Pères de Brébeuf, Daniel et Davost demeureront à Québec : ils profiteront de ce nouveau délai pour apprendre mieux les langues. « Vous êtes nos frères, dit le Père Brébeuf, nous voulons aller en votre pays pour vivre et mourir avec vous ; mais puisque la rivière est bouchée, nous attendrons à l’année qui vient que tout sera paisible ». On jette sur le rivage les bagages déjà arrimés, et le 6 août « tous les Hurons troussèrent bagage » pour leur long voyage.

Le Père Paul le Jeune dissimule mal son désappointement : « Je ne crains qu’une chose en ce délai : que l’ancienne France ne se lasse de secourir la Nouvelle voyant que la moisson tarde tant à mûrir ». D’après les renseignements particuliers qu’il possède, il se croit en mesure d’affirmer qu’une manœuvre politique se cache sous ce tumulte de la dernière heure. La présence de missionnaires français en Huronie va serrer les liens qui unissent les Français aux Hurons ; elle augmentera la puissance de cette dernière nation qui apporte non seulement ses propres fourrures à la traite, mais encore celles des tribus voisines ; elle la confirmera dans son rôle d’intermédiaire que plusieurs lui envient. Et l’on n’aurait semé cette ru-