VII
orsque les Compagnies jouissent d’un monopole,
elles ne versent que des prix dérisoires aux Indiens
pour leurs fourrures. Lescarbot l’affirme. De
petits faits fournissent ensuite des indications suffisantes.
Le Père Le Caron relate en 1618 qu’un capitaine
montagnais « fit ses plaintes, qu’on vendait trop
cher les marchandises, quand les sauvages venaient
en traite, et il pria qu’on leur fit un peu meilleur marché
dans la suite ». Plus tard, à son départ de la Huronie,
Sagard raconte ce qui suit : « Je fus supplié par
ces Messieurs de leur être favorable envers les Capitaines
de la traite, et de faire en sorte qu’ils pussent
avoir d’eux les marchandises nécessaires à un prix
raisonnable, et que de leur côté ils leur rendraient de
très bonnes pelleteries en échange ». En 1623, à Tadoussac,
un capitaine laisse monter sur son navire
un groupe nombreux de naturels. Mécontents des
marchandises qu’on leur donne en échange des pelleteries,
ils ouvrent soudain eux-mêmes les « coutils »
et tirent de sous les tillacs les articles qui frappent
leur fantaisie ; ils se servent avec abondance et ne
laissent derrière eux que des peaux de peu de valeur.
Cependant, le soir, ils se ravisent et viennent
régulariser leurs transactions.
L’histoire subséquente du Canada prouve aussi que les années de monopole sont des années de bas prix pour les Indiens. Ces bas prix invitent les contrebandiers : une large marge de profits couvre leurs risques. Mais à eux seuls, ils n’expliquent pas toute l’étendue du commerce clandestin qui s’accomplit dans le Saint-Laurent durant les dix dernières années de cette première époque. Il faut aussi y joindre l’exclusion des Rochelois, c’est-à-dire d’un groupe de marchands, de capitaines et d’armateurs qui connaissent bien le Saint-Laurent et la valeur des peaux de castor. Quant aux Basques, ces hardis aventuriers de la mer, ils sont toujours prêts à courir le risque