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IV


Le monopole se prélasse dans ses privilèges ; il ne remplit pas ses obligations relatives à la colonisation ; ses navires quittent la France beaucoup plus tard et, au lieu de se présenter à Tadoussac à la fin de mai, ils n’arrivent souvent qu’à la fin de juin ou en juillet ; l’Habitation, toujours mal ravitaillée, souffre périodiquement de la famine ; il n’est plus question de construire des habitations aux Trois-Rivières, à Montréal ou en Huronie ; tout indique que les prix versés aux Indiens pour les fourrures s’abaissent très vite ; et enfin la traite manifeste une tendance à redescendre le fleuve ; les marchands préférant naviguer moins longtemps et laisser les sauvages parcourir une route plus longue pour trouver les articles de traite dont ils contractent lentement le goût.

C’est l’une des raisons qui expliquent le brusque triomphe des Trois-Rivières, en 1618, sur Montréal et Cap de Victoire, comme poste de traite. Cette année-là, Champlain aborde relativement tard au pays : le 24 juin. Mais un autre navire a précédé le sien et repose sur ses ancres à Tadoussac. Le Sieur des Chenes, capitaine de ce navire, n’a pas perdu son temps : il est parti pour Québec, « et de là devait aller aux trois rivières pour attendre les sauvages qui y devaient venir de plusieurs contrées pour traiter, comme aussi pour savoir ce qu’on devait faire, et délibérer, sur la mort advenue de deux de nos hommes de l’habitation, qui, perfidement et par trahison, furent tués par deux méchants garçons sauvages montagnais, il y avait près de deux ans ».

Cette traite aux Trois-Rivières est dominée par ce double meurtre : il suscite beaucoup d’ennuis tant aux Français qu’aux Indiens ; pendant quelques mois, il menace de destruction la coalition laurentienne, et il devient la cause d’une tension dangereuse des relations entre les deux éléments ethniques.