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En second lieu, un groupe considérable de guerriers se rend au Sault, escomptant la présence de Champlain ; en l’absence du grand chef, ils sollicitent l’assistance des marchands pour une attaque contre les Cantons iroquois. Mais les marchands refusent absolument de se joindre à eux, de sorte que les Indiens « avaient résolu entre eux de ne plus venir au Sault ».

En troisième lieu, les négociants affirment, malgré les dénégations des employés de Champlain, que le fondateur de Québec est mort. Et comme celui-ci est le seul Français en qui ils ont mis leur confiance, ils ne se sentent aucun goût de revenir pour échanger des pelleteries avec des hommes qui les maltraitent.

Enfin, les actions de tous ces mercantis détruisent en 1611 et en 1612 l’œuvre commerciale lentement élaborée par Champlain. Celui-ci devra pratiquement reconstruire en neuf dès 1613.

Champlain et Lescarbot ont sévèrement condamné la courte époque des traites libres. Celui-ci parle en particulier de la hausse qu’ont subi les pelleteries : « Je sais qu’aujourd’hui, dit-il, depuis la liberté remise, les castors se vendent au double… Car l’avidité y a été si grande qu’à l’envie l’un de l’autre les marchands y ont gâté le commerce. Il y a huit ans que, pour deux gâteaux, ou deux couteaux, on eût un castor, et aujourd’hui il en faut quinze ou vingt ». Préjudiciables aux Français, les années de traite libre sont favorables aux Indiens qui obtiennent des prix plus élevés. Champlain abonde dans le même sens : la concurrence, dit-il, « ruine ce commerce par l’avidité de gagner, qui est si grande, qu’elle fait partir les marchands devant la saison, et se précipiter non seulement dans les glaces, en espérance d’arriver les premiers en ce pays, mais encore dans leur propre ruine ; car traitant avec les sauvages à la dérobée, et donnant à l’envie l’un de l’autre de la marchandise plus qu’il n’est requis, surachètent les denrées, et par ainsi, pensant tromper leurs compagnons, se trompent le plus souvent eux-mêmes ».