Page:Desrosiers - Commencements, 1939.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
l’étude des langues indiennes

m’avait enseigné, et que j’avais écrit çà et là… Ayant donc rallié la plupart de mes richesses, je me suis mis à composer quelque chose sur le catéchisme, ou sur les principes de la foi ; et prenant mon papier en main, j’ai commencé à appeler quelques enfants avec une petite clochette ». Dix, quinze puis vingt bambins suivent bientôt ces leçons improvisées, récitent le Pater, puis le Credo ; ceux qui répondent le mieux reçoivent une écuellée de pois. « C’est un plaisir, ajoute le bon missionnaire, de les entendre chanter dans les bois ce qu’ils ont appris ; les femmes mêmes le chantent, et viennent par fois écouter par la fenêtre de ma classe qui nous sert aussi de réfectoire, de dépense, de tout. »

Au hasard des rencontres, le père Le Jeune explique ensuite les mystères de l’Incarnation, de la Rédemption, les principes du catholicisme. En balbutiant, il cause de tout. Par exemple, il rencontre une vieille grand’mère qui lui raconte la surprise « qu’eurent les sauvages voyant arriver le vaisseau des Français qui aborda le premier en ces pays-ci : ils pensaient que ce fût une île mouvante, ils ne savaient que dire des grandes voiles qui la faisaient marcher, leur étonnement redoubla voyant quantité d’hommes sur le tillac ».

Mais le supérieur des Jésuites ne se satisfait point facilement. « Le peu de progrès qu’il a fait, dit-il, il l’attribue au défaut de sa mémoire qui ne fut jamais bien excellente, et qui se va desséchant tous les jours ». Et son professeur l’abandonne. Alors, dans son ardeur d’apprendre vite et bien, il demande à son supérieur la permission de se démettre de ses fonctions qui lui prennent trop de son temps. « C’est un grand détourbier pour l’étude de la langue », dit-il, que d’exercer le ministère, d’écrire de longues relations, de recevoir des visiteurs, de voyager, etc. ; « moi qui suis sans livre, sans maître, mal logé, pourrai-je bien étudier avec un soin qui m’occupe quasi tout entier bien souvent ? » L’un de ses compagnons lui paraît beaucoup mieux doué que lui-même : « Ô l’excellent homme