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a même expédié jusqu’à quatre navires dans le Golfe. Durant la même période, François Gravé, sieur du Pont, s’est lancé dans des aventures semblables. Tous deux s’associent maintenant. Ils savent bien que leurs lettres patentes prononcent l’exclusion de nombreux navires qui fréquentent les eaux canadiennes : aussi les marchands de Saint-Malo, de Dieppe et de La Rochelle protestent contre le puissant personnage qui les évince d’un trafic lucratif.

Pierre de Chauvin organise son expédition et part avec ses assistants « accompagnés d’autres vaisseaux jusques à Tadoussac, quatre-vingt-dix lieues à mont la rivière, lieu où ils faisaient trafic de pelleteries et de castors avec les sauvages du pays, qui s’y rendaient tous les printemps ». Pour être plus explicite, Tadoussac c’est, depuis longtemps déjà, le « lieu de la traite ».

Chauvin construit une habitation dans cet endroit désert, stérile, froid, et il y jette son petit groupe de colons. Pont-Gravé n’approuve point cette folie. Au cours d’un voyage précédent, il s’est rendu « jusques aux trois rivières, pour trouver les sauvages, afin de traiter avec eux »: il connaît donc de meilleurs emplacements pour la colonisation et une factorerie permanente. Il en parle avec tant d’éloquence qu’il entraîne dans le haut du fleuve Chauvin et le seigneur De Monts. Plein d’incurie pour le moins, Chauvin ne modifie point ses plans. Sur les seize personnes, qui composent la garnison pendant l’hiver, onze succombent. Mais le promoteur de l’entreprise réalise de beaux bénéfices ; malgré l’opposition tenace des Malouins, il conserve ses privilèges, avec de légères modifications, jusqu’à sa mort en 1603.

Quelque temps auparavant, Aymar de Chaste avait été désigné comme l’un des arbitres entre Pierre Chauvin et les Malouins. Il avait élaboré un nouvel arrangement en vertu duquel les marchands de Rouen, de même que ceux de Saint-Malo auraient le droit, tout comme Chauvin, d’envoyer dans la Nou-