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leurs langues sont en quelque chose plus fécondes et nombreuses, pouvant dire une même chose par quantité de différens mots, entre lesquels ils en ont de si riches, qu’un seul peut signifier autant que quatre des nôtres… Ils ont une infinité de mots composés, lesquels sont des sentences entières. »

Pour toutes ces raisons, Sagard sait bien que d’autres ouvriers pourront moissonner et glaner après lui : son travail a été rapide et superficiel, il n’a pas eu le temps d’approfondir ou de compléter. « Je sais bien, dit-il, qu’il peut y avoir des fautes en mes Dictionnaires, et que plusieurs choses y manquent pour les rendre parfaits, mais je ne doute point aussi qu’un plus habile que moi ne se trouvât bien empêché de pouvoir faire mieux en si peu de temps que j’y ai employé. Toujours c’est un travail qui n’est pas petit ni de petit profit, car pourvu qu’on sache la prononciation des mots plus difficiles, on peut aller avec iceux par tout le pays et traiter sans truchement, qui est un bien et une commodité qui ne se peuvent estimer, et de laquelle plusieurs se servent, pour n’y en avoir encore eu aucune autre que les miens. »

Avec une rare prescience, Sagard ajoute les phrases suivantes : « Tous ces commencements serviront de beaucoup à ceux qui iront après nous travailler en cette vigne, car la chose plus difficile est faite et les principales pièces ébauchées, il n’y a plus qu’à les polir qu’elles ne soient parfaites. Je sais bien que les derniers ouvriers font toujours assez peu d’état du travail des premiers, et y trouvent à redire. Ce sont maladies naturelles qui naissent avec l’homme… Les langues ne se savent pas sans fautes, qu’après une grande pratique et longue expérience, à la Française même personne ne se dit parfait tant elle est changeante ».

En de nombreux passages disséminés ici et là, Sagard et Champlain donnent des renseignements sur les méthodes employées et les résultats obtenus. Les missionnaires sont continuellement en contact