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l’étude des langues indiennes

Mais Sagard ne se spécialise point dans la langue montagnaise : il porte plutôt toute son attention du côté de la langue huronne. D’ailleurs, il ne passe qu’un an au Canada, et il hiverne dans la Huronie : de cette expédition, il doit tirer le récit de son grand voyage au pays des Hurons et son dictionnaire, ses deux principales œuvres.

Il nous raconte avec bonhomie de quelle façon il apprend la langue : « Après dîner, dit-il, …j’écrivais et, observant soigneusement les mots de la langue que j’apprenais, j’en dressais des mémoires que j’étudiais et répétais devant mes Sauvages, lesquels y prenaient plaisir et m’aidaient à m’y perfectionner avec une assez bonne méthode… « Gabriel, prends ta plume et écris », puis ils m’expliquaient au mieux qu’ils pouvaient ce que je désirais savoir d’eux. Et comme ils ne pouvaient parfois me faire entendre leurs conceptions, ils me les démontraient par figures, similitudes et démonstrations extérieures, parfois par discours, et quelquefois avec un bâton, traçant la chose sur la terre au mieux qu’ils pouvaient, ou par le mouvement du corps, n’étant pas honteux d’en faire quelquefois de bien indécents, pour se pouvoir mieux donner à entendre par ces comparaisons. » Et souvent se comprendre devenait impossible, car ces langues manquaient de mots pour le spirituel, le théologique et le philosophique.

C’est ainsi que Gabriel Sagard dresse un Dictionnaire de langue huronne qu’il publiera plus tard pour assister les missionnaires. Mais il ne croit pas que son ouvrage soit parfait : trop de difficultés l’ont arrêté. « Il se trouve, dit-il, une autre grande difficulté en ces langues, en la prononciation de quelques syllabes, à laquelle consistent les diverses significations d’un même mot, qui est une difficulté plus grande que l’on ne pense pas, car manquer seulement en une, vous manquerez en tout… Il faut… apprendre la cadence si on y veut profiter, car le truchement Brûlé s’y est quelquefois lui-même trouvé bien empêché et moi encore plus… En choses dont ils ont connaissance,