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énigmatiques, appuyée au mur, la tête droite. Il saisit ce regard au passage.

Dans le salon il n’y avait que des meubles simples ; un piano droit, une causeuse, quelques chaises d’acajou et une lampe de plancher à abat-jour. Un tapis vieux rose couvrait le parquet, de longs rideaux de marquisette crème pendaient aux fenêtres.

Paul lui emportait des livres. Elle les feuilleta distraitement. Il avait du plaisir à la contempler, mais sa contemplation, au lieu de le satisfaire, attisait seulement son désir.

Marguerite ne parlait pas beaucoup. Elle écoutait Paul comme pour le connaître et l’étudier. Elle ne disait jamais : « Moi, j’aime telle chose…, moi, je suis ainsi. » Elle ne racontait ni son enfance, ni sa jeunesse, ni son caractère, ni ses goûts. Ce silence prêtait aux suppositions. Paul pouvait lui attribuer tous les sentiments et toutes les idées, l’orner d’une âme de son choix. Il n’y manquait pas et s’en faisait une idole parée des qualités qu’il aimait. Cependant sa curiosité restait affamée, ardente, tentait de découvrir toujours de nouveaux indices et cette recherche l’attachait davantage à Marguerite.