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déconcertée, elle eût le temps de se disculper. Elle se précipita vers moi.

— Empêchez-le de partir, dit-elle, ne le laissez pas partir. Retenez-le, il sait bien que je n’aime que lui au monde. Vous le garderez, vous lui expliquerez tout de ma part ?

Tout son orgueil avait disparu. Il ne restait plus qu’une petite fille aimante et désolée, qu’une enfant éplorée qui me suppliait. Mais tout au fond elle ne croyait pas à ce départ.

Pendant une partie de la nuit et de l’avant-midi, je m’acharnai à raisonner avec Pierre et à changer sa décision. Il me répondait toujours la même chose.

— Nous nous ferons souffrir réciproquement, malgré tout notre amour. Elle est justement l’épouse qui me ferait une existence intolérable et je suis justement celui qui lui serait insupportable.

Et il me disait ces choses sans honte, comme si toutes les incompatibilités de nature n’étaient pas des cas nos défauts, nos passions et nos vices s’opposent sans se vaincre et restent dressés en face les uns des autres, à se combattre. Il n’y a qu’à se corriger et à devenir meilleurs. À mesure que l’amélioration se produit, l’antagonisme s’efface.