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trir, qui la protégeait mais pouvait aussi bien broyer sa faiblesse. La vie lui paraissait d’avance facile avec quelqu’un pour lui tracer une large voie. En même temps naissait en elle une vocation de sacrifice et de renoncement, un désir et une joie de la soumission et de l’humiliation de sa personne devant lui. Elle devenait attentive aux souffrances et aux bonheurs de Pierre, inquiète et palpitante aux moindres symptômes, malléable entre ses mains. Elle mettait tous les scrupules d’une conscience timorée à suivre les directions morales à peine appuyées et à obéir aux plus fines indications. Et tout au fond il y avait en elle la fierté amusée d’être quand même la souveraine par l’affection qu’elle inspirait.

Et Pierre aimait Annette, comme on aime un enfant, avec sollicitude, avec émerveillement pour ses grâces et ses beautés. Il voulait la laisser se développer, non pas dans la crainte, mais dans la serre-chaude de la douceur et de la tendresse. Il la considérait comme une compagne indispensable parce que les yeux lucides et purs de la jeune fille avaient une vision plus claire, plus innocente du monde et découvraient plus sûrement le mal.

Ils s’aimèrent dans un ravissement ineffa-