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continuelle d’émotions contradictoires et changeantes.

Il y avait en même temps chez elle, comprimées et maintenues par la règle monastique et la monotonie de la vie conventionnelle, une surabondance de sentimentalité, et de telles réserves de forces qu’elles s’écoulaient avec violence dans la moindre sensation que la vie excitait en elle et l’exagéraient. Elle recevait alors des choses une impression trop profonde, disproportionnée à sa cause. Cette exubérance se devinait à ses moindres gestes ainsi que son abondance intime et sa vivacité nerveuse jamais dépensée.

Ces qualités se révélaient en elle à tout instant. Si sa mère lui faisait une chose qui lui plaisait elle se jetait subitement à son cou, l’embrassait à ne plus finir, sautait et battait des mains. Pour la moindre mésaventure, elle était prête à pleurer, à se répandre en larmes et à s’abîmer dans un grand désespoir. L’arrivée de son père à l’improviste la jetait dans des transports qu’elle ne pouvait calmer. Elle passait son bras sous le sien, marchait à ses côtés, babillait étourdiment, le regardait dans les yeux, butant aux pierres du sentier et s’accrochant à toutes les barrières. Continuellement passionnée et agitée, elle vivait