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— Nous avons eu tellement peur, maman et moi. Nous ne fournissions plus à vider le canot. Et c’était ma faute parce que j’avais voulu revenir tout de suite avant l’heure du train qui doit amener papa. Je pleurais, mais maman était plus courageuse et ne désespérait pas. En voyant votre canot dépasser la pointe du rocher, j’ai bien vu que nous étions sauvées.

Elle parlait d’une voix encore haletante et entrecoupée, revivant à mesure devant nous les sentiments qu’elle avait éprouvés. L’émotion du cœur se manifestait sans contrainte.

Nous acceptâmes le souper dans le beau chalet de la place aux larges vérandas recouvertes de vignes grimpantes et qui avait pour horizon le lac et cette presqu’île qui s’avance au milieu, ainsi qu’un éperon, pour fendre les flots. Pierre avait été placé à côté d’Annette. À peine à table, ils étaient déjà familiers. Ils s’absorbaient dans une causerie à deux, en aparté. Leurs yeux rayonnants et soudainement illuminés, leur entrain, leur gaieté révélaient l’éclosion d’une sympathie née à première vue, rapide et inévitable, qui leur faisait déjà au milieu de nous une intimité complète, comme s’ils eussent été seuls dans la pièce.