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par le bout, mais avironnant selon les méthodes des meilleurs maîtres en la matière.

Et l’on se demande s’ils s’aiment ! Que voudriez-vous qu’ils fassent ? L’amour de Graziella est d’une espèce particulière. Elle trouve bien son petit Prosper un peu ridicule, mais si gentil d’être petit, correct et sage. Il a tellement l’air d’une image, il est si posé, si fin, si propre. Elle l’admire puis elle rit, puis elle l’aime d’une tendresse protectrice. Ils passent ensemble des soirées délicieuses. Prosper est assis sur son fauteuil, rigide et droit ; il ne se croise pas les jambes, il ne s’appuie pas au dossier, il ne s’étend pas avec nonchalance. Graziella, elle, est partout à la fois, au piano, dans les cahiers de musique, sur tous les fauteuils et chaises de la place. Elle converse, chante des bribes de chanson, joue des fragments, s’amuse avec tout ce qui lui tombe sous la main. Elle tourbillonne autour de lui, elle fait la jalouse, l’accuse d’écrire à d’autres jeunes filles, de sortir en cachette ; elle ne croit pas un mot de ce qu’elle dit, mais elle adore le sourire que prend alors son incomparable Prosper qui se rengorge d’être soupçonné de tels crimes, se défend sans vigueur pour laisser penser que c’est un peu vrai, et se croit le plus heu-