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Et plus tard, la vanité, la curiosité, un peu d’amour s’en mêlant, Cécile eut un désir vague mais inavoué de revoir Pierre et de lui parler. Elle dut user de diplomatie pour ne pas s’exposer à des démarches humiliantes. Elle organisa une soirée. En toute convenance, elle ne pouvait pas ne pas inviter le fils du voisin, en toute convenance celui-ci ne pouvait refuser de venir.

Les invités commencèrent à affluer vers sept heures. Il en vint à pied du voisinage, il en vint de loin en voiture. Huit heures, huit heures et demie, neuf heures et Pierre n’arrivait pas. L’impatience et l’agitation de Cécile étaient au comble.

Vers neuf heures et demie enfin il fit son apparition, multipliant ses excuses d’un air assuré, circulant sans gêne parmi les groupes, toujours gai, plaisant, un peu gouailleur et gamin. Ayant entendu sa voix, Cécile se retourna vivement pour le voir : c’était toujours la même figure avec des traits sculptés pour le rire, mais combien différents quand même ! Elle n’en pouvait plus détacher les yeux. Elle le vit venir vers elle. Sous le regard qui la fixait avec la même lueur de malice, elle se sut pénétrée, devinée, comprise et rougit jusqu’aux cheveux.