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sa bourse était à sec, et il hésitait à mettre à contribution tout de suite celle de Madame veuve Xavier-Narcisse Gervaise, sa nouvelle femme. Ayant quelque teinture des lettres, il se prenait à méditer dans son désarroi la pensée de La Bruyère : « Épouser une veuve en bon français, signifie faire sa fortune ; il n’opère pas toujours ce qu’il signifie ». Il y avait de quoi se mettre martel en tête.

Parce que les relations conjugales sont chose délicate, Mme Bonald n’avait pas voulu s’immiscer dans cette affaire. Elle s’amusait tant aussi ! Mais tout à coup, pendant la conversation avec le curé, voici qu’elle avait compris la situation, la fine mouche ! Nous ne dirons rien du colloque qui s’ensuivit entre les deux époux, des effusions, marques de reconnaissance, etc., parce que nous n’étions pas présent et que la tradition ne les rapporte pas. Mais il est établi irrévocablement que vers les trois heures de l’après-midi un charretier déposa à l’entrée de la cuisine trois barriques de cette bonne bière de Sorel dont nos pères ne parlaient qu’avec attendrissement et un petit tonneau de Jamaïque fraîchement arrivé des Îles.

Et le soir, vers 10 heures, alors que le charivari battait son plein, les assiégeants virent