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faisait commettre. Elle trépignait, criait, suppliait, pleurait ; elle parlait de se mettre à genoux pour implorer un changement, elle tremblait de tous ses membres, l’être tendu dans une demande passionnée, tandis que mon aïeul, goguenard, avec son rire sourd, détournait le coup :

— Sata-Michette, tu en gagnerais des élections avec tes chemins de croix ! Comme si on avait fait autrement la cabale depuis que le monde est monde ! Laisse aux hommes le travail des hommes et tu seras tranquille.

La pauvre Fécite vivait maintenant dans l’appréhension des châtiments du ciel. Elle vaticinait comme une prophétesse antique, maudissait les élections et la boisson. Elle ne décolérait plus de toute la journée et éclatait quelquefois en sanglots, tout à coup, vaquant à une besogne, lavant la vaisselle, disant le chapelet. Elle ne pouvait se résigner ; elle s’offrait en holocauste, elle aurait accepté le renvoi, n’importe quelle pénitence, n’importe quel sacrifice, pour arriver à sa fin. Guêpe têtue obstinée à sortir à travers une vitre, elle revenait à la charge se heurter et se heurter sans cesse contre le refus, et maudire son impuissance.