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d’encouragement. Pierre Langelier reste seul dans le demi-jour de la lampe. Il pense à toute son existence écoulée dans les transes, les émotions perpétuelles et la lutte incessante. Sa femme, un instant, vient s’asseoir près de lui. Compagne de sa vie, elle a partagé ses secrets et lui a été un soutien. Ce soir il a peur des confidences. Il ressent comme une honte profonde, insensée, poignante à la pensée de lui avouer qu’on juge un autre homme supérieur à lui. Il a tellement voulu retenir son amour par l’admiration que maintenant il n’a pas le courage de lui raconter cette humiliation qui l’amoindrira à ses yeux.

Après une nuit d’insomnie, Pierre Langelier s’enferme avec les journaux du matin. Il n’est plus surpris de rien. Un journal de l’opposition annonce sa démission prochaine. Le premier ministre, dit-il, songeait depuis longtemps à se retirer pour raison de santé. Un poste très élevé lui est offert qui l’occupera moins. Les rumeurs assignaient à Jean Dorion la tâche de conduire le parti à la prochaine session. Les journaux ministériels ne sont pas plus discrets ; l’un d’eux publie même une biographie de Dorion et les autres laissent