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ses adversaires constateront qu’il est décidé à pousser la bataille jusqu’au bout.

Il reprend machinalement la liste que lui a laissée Pierre Buteau afin de mieux connaître ses ennemis et de voir ce qu’il y a à faire de ce côté. Tous sont ses obligés d’une manière ou de l’autre, la plupart sont ses amis et paraissaient avoir quelque loyauté dans leur conscience. Mais Jean Dorion a su à qui s’adresser. Il les tient tous par des liens que le premier ministre devine. À l’un, il peut enlever le directorat d’une compagnie importante, à tel autre la clientèle rémunératrice d’une grande maison. Il peut bloquer l’élection de celui-ci dans un comté douteux en empêchant sa caisse électorale de se remplir, il peut frustrer celui-là de dividendes considérables. Il en dirige quelques-uns enfin par amitié, par parenté, par admiration ou par des promesses. Il les fait tous marcher comme des pions sur son échiquier politique. Presque rien à faire de ce côté.

Et parmi tous ces transfuges qu’approche Jean Dorion, aucun n’a préféré sacrifier son intérêt personnel. Le dégoût envahit l’âme du premier ministre. Il connaît bien les hommes, mais leur indignité et leurs faiblesses ne lui étaient pas amères aussi longtemps