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charme, disait-on. Elle faisait des petits ce qu’elle voulait, calmait leurs agitations des jours d’orage, les décidait à l’accomplissement de leurs devoirs puérils.

Levée dès cinq heures, couchée avec les derniers aboiements des chiens, elle travaillait dans la maison, dans les champs, elle mettait la main à tout ; et le soir, souvent, lorsque le crépuscule des grandes campagnes plates et sereines allongeait sur la terre des pans d’ombre noire comme la nuit, et des traînées d’or sur les blés, on voyait Fécite s’acharner à une dernière tâche au milieu du repos universel.

Que pourrais-je dire de ses années de service ? Elle ne demandait rien pour ne pas déranger les autres, mais obligeait tout le monde au moindre mot et se réservait les besognes les plus répugnantes. Elle était compatissante pour les misères, même les fautes, et les malheurs du prochain l’émouvaient autant que les siens. Il n’existait pour elle ni rancune, ni secrets ; aucun soupçon ne lui venait sur les gens qu’elle acceptait toujours à leur façade ; et jamais l’idée ne lui serait venue de ces petites ruses, de ces roueries, de tous les moyens subtils de sonder, de pénétrer et de découvrir les âmes qui ne se défient pas.