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bes aquatiques et luxuriantes, dans un paysage lacustre.

Mon grand’père possédait en arrière quatre à cinq cents arpents d’une terre miraculeusement riche. Les blés à hauteur d’homme s’écrasaient sous leur poids, le mil et le trèfle des vastes prairies étaient d’un vert sombre et presque noir. Le troupeau de vaches, dans un grand pacage, se couchait dès le commencement de l’avant-midi, repu, sous des chênes solides et sains.

Et c’est dans sa maison longue, étroite, aux lucarnes hautes, bâtie de pierres et de cailloux empâtés de mortier, que Fécite arriva un jour avec sa grande malle de bois recouverte de cuir fauve, aux crépines dorées. Orpheline baptisée on ne savait ni où ni pourquoi de son nom bizarre, elle était aussi fraîche et proprette qu’une jeune prune translucide encore pendue parmi les feuilles vertes, bien que sa figure fût grêlée des tâches de la petite vérole. Ses jolis yeux bruns étaient pleins de vivacité.

Elle n’était pas descendue de voiture que les cinq enfants de la maison, endiablés, se bousculant et criant, grimpaient à ses jupes, lui sautaient aux mains, la câlinaient, tendaient des joues barbouillées et des frimousses expressives et tendres. Elle avait un don, un