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phrase n’est pas soudaine et brusque ; elle n’a pas de ces chutes, de ces coups qui s’enfoncent comme un coin dans une idée. Notre langue est molle ; trop de chair et pas assez d’os ; eile n’a pas de lignes, elle est flou comme dirait notre peintre Grancey. Eh bien, enfermez-la dans la matrice des langues mortes ; serrez-la dans leur moule de fer ; elle sera frappée, elle sortira médaille, sans bavure et nette comme la langue de diamant de la Bruyère [1] »

Mais, après tout, il vaut mieux « être Lucain que le dernier imitateur de Virgile, qui n’a pas de nom [2] ... » Les Goncourt se sont bâti un kiosque, « à l’extrême Kamtchatka du romantisme, » comme Sainte-Beuve disait de Baudelaire. Leur talent ressemble à leur maison d’Auteuil, tout encombrée de collections, de meubles d’autrefois, de gravures, de livres du xvin e siècle, et de bibelots japonais. Les deux frères sont peut-être les deux écrivains de notre époque que le milieu explique et complète le plus. « Gela, qui agit si peu sur la plupart, les choses, avait une grande action sur Charles. Elles étaient pour lui parlantes et frappantes comme les personnes Un mobilier lui était ami ou ennemi. Un vilain verre le dégoûtait d’un bon vin.... Aussi, le plaisir ne durait-il pas pour lui : Charles lui demandait un ensemble trop complet, un accord trop parfait des créatures et des choses [3] . » Tout ce long portrait de Charles Demailly est à lire. Les deux écrivains y ont analysé leur talent nerveux, comme plus loin, ils me semblent avoir esquissé la physionomie de Gustave Flaubert : « L’œil bleu, profond, . Charles Demailly, p. 142.

. Charles Demailly, p. 141.

. Charles Demailly, p. 73.

  1. Charles Demailly, p. 142.
  2. Charles Demailly, p. 141.
  3. Charles Demailly, p. 73.