Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

bataille, comme ils se servaient d’un style ciselé, plein de surcharges, au lieu du style gris et froid, le seul concédé par l’opinion bourgeoise à un historien, ils ont été longs à se faire prendre au sérieux. C’est Michelet, autre artiste méprisé des doctrinaires, qui, le premier, s’est plu à leur donner le brevet d’historiens. Aussi écrivent-ils avec un peu d’amertume, dans Idées et Sensations : « Lire les auteurs anciens, quelques centaines de volumes, en tirer des notes sur des cartes, faire un livre sur la façon dont les Romains se chaussaient ou annoter une inscription, cela s’appelle l’érudition. On est savant avec cela, on est de l’Institut, on est sérieux, on a tout. Mais prenez un siècle près du nôtre, un siècle immense, brassez une mer de documents, trente mille brochures, deux mille journaux, tirez de tout cela non une monographie mais le tableau d’une société, vous ne serez rien qu’un aimable fureteur, un joli curieux, un gentil indiscret [1]. » De là, rancune des Goncourt contre l’antiquité. Ils la maltraitent spirituellement, ils vont jusqu’à dire, et je ne sais si c’est avec plus d’irrévérence que de scepticisme : « L’antiquité a peut-être été faite pour le pain des professeurs [2] . » Sainte-Beuve, qui savait tout et devinait tout, leur reproche de la mal connaître, cette antiquité blaguée. Les auteurs de Madame Gervaisais ont emprunté au xvm e siècle ses mignardises, ses enjolivements à outrance, ses sculptures trop riches. Ils auraient pu méditer les conseils de leur Franchemont à Charles Demailly : « Vous ciselez la phrase, là où je voudrais une phrase droite, ample, sculpturale, riche, si vous voulez, mais sans surcharge. Votre . Idées et Sensations, p. 188.

. Idées et Sensations, p. 198.

  1. Idées et Sensations, p. 188.
  2. Idées et Sensations, p. 198.