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Bouvard, humanitaire, est joué par des enfants d’adoption. Pécuchet, qui veut essayer de l’amour, attrape une maladie.

Grotesque, le cœur simple de Trois Contes qui considère l’Esprit saint comme un ancêtre du perroquet Loulou. Mais ici se mêle au comique une veine d’émotion, un attendrissement unique dans Flaubert sur les destinées humbles rivées dans la poésie des affections instinctives. Cette nouvelle me semble, après Madame Bovary, l’œuvre la plus achevée du romancier. Pour raconter l’histoire de la pauvre servante, la plume dure devient presque caressante.

Flaubert ne reste impitoyable qu’au bourgeois. Dans l’Éducation sentimentale, il a lardé les grosses figures bêtes qui avaient attristé sa vingtième année, lui avaient causé ses premières, ses plus cruelles désillusions. Arnoux avec sa touche de commis-voyageur, le faux Robespierre Sénécal, les comparses qui bondent le salon du banquier ventru, vivent d’une vie intense. Le satirique n’a pas autant grossi les traits que dans Bouvard et Pécuchet. Il a surtout réservé un coin du livre à sa madone, l’idéale madame Arnoux. Amour d’adolescence, jamais satisfait, toujours vivace, raconte M. Maxime Du Camp.

À ces airs de flûte, aux modulations tendres, succède la basse narquoise et puissante, le rire épais, énorme, qui essaie de couvrir la pensée de l’avortement universel.

La haine du bourgeois déteignait sur notre civilisation tout entière. Qui croyait aborder en Flaubert un savant résolu, un des ouvriers scientifiques du siècle, était abasourdi, scandalisé, de l’entendre « gueuler » contre nos machines, notre puissante vie industrielle, le