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M. Maxime Du Camp, toujours cher au cœur du bon géant, était tombé très bas dans son estime littéraire, depuis qu’il avait renoncé à la poésie et au roman pour écrire ses études sur Paris. « Prends garde, lui disait-il, tu es sur une pente ! Tu as déjà abandonné l’usage des plumes d’oie pour adopter celui des plumes de fer, ce qui est le fait d’une âme faible. Dans la préface des Chants modernes, tu as débité un tas de sornettes passablement déshonorantes, tu as célébré l’industrie et chanté la vapeur, ce qui est idiot et par trop saint-simonien. Tant de turpitudes ne t’ont point encore apaisé, et voilà que maintenant tu vas faire de la littérature administrative ; si tu continues, avant six mois, tu entreras dans l’enregistrement [1]. »

Il fallait voir l’enthousiasme que Flaubert déployait pour les siens. Lorsqu’on étudiait à l’Odéon Madame de Montarcy, de Louis Bouilhet, il voulut absolument diriger les répétitions ; il arpentait la scène à grands pas, déclamait, gourmandait les artistes, tournait sur ses talons brusquement aux intonations risquées et répétait dix fois la phrase en roulant des yeux farouches. Jusque dans les dernières années de sa vie, il assistait aux « premières » de ses élèves. Il manifestait ses sympathies comme un combattant de Hernani, tapageait, criait : bravo ! battait le plancher avec sa canne. Et sa haute taille, aussi bien que ses gestes, rassemblait sur lui les regards de toute la salle.

Quelques mois après la chute de son Candidat, au Vaudeville, Flaubert venait applaudir dans la même salle Fromont jeune et Risler aîné, oubliant son échec pourseréjouirdusuccès deM. Alphonse Daudet. Ce cœur sans envie, plein d’enthousiasme et de respect, ne pou-

  1. Souvenirs littéraires de Maxime Du Camp, chap. XXVII.