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voir les feux des longues cabanes, couvertes de paille, trembler sur les marais, au fond des bois. »

De ces pérégrinations en Orient, et d’un dernier voyage aux ruines de Carthage, Flaubert a rapporté Salammbô, le livre où, selon M. Maxime Du Camp, il a mis le plus de lui-même.

Le public attendait une seconde analyse psychologique dans le genre de Madame Bovary. Une longue étude antique pleine de pages superbes, mais pleine d’ennui, le dérouta. Quitter la France contemporaine pour l’époque d’Hamilcar, les pommiers en fleur pour les plaines désolées de l’Afrique septentrionale, paraissait un peu violent, un peu brusque. Cette métamorphose montrait la souplesse du talent de Flaubert. Des trésors d’érudition étaient accumulés dans Salammbô. Selon son habitude constante, l’auteur avait fouillé quantité de livres, pris des monceaux de notes pour reconstruire la puissante Carthage d’avant les guerres puniques. En lisant la lettre de Flaubert à Sainte-Beuve et surtout ses réponses aux critiques de l’allemand Frœhner, on a une idée de ce travail inouï, d’autant plus effrayant que le sujet était moins exploré.

L’insuccès de Flaubert dans cet essai de roman historique sérieux condamne le genre tout entier.

Sainte-Beuve établit des distinctions subtiles entre le roman historique sur l’antiquité et le roman historique sur le moyen âge. Il appuie son argumentation sur l’exemple de Walter Scott. Pourtant les lourdeurs du poète écossais cachent autant de fantaisie que les complications du père Dumas. Entre ces deux déformateurs d’histoire, je préfère encore le Français, dont le scepticisme met en garde. On voit clairement dès la