Entraîné par l’humeur voyageuse de M. Maxime Du Camp, il voulut visiter l’Orient, se laisser bercer par les flots du Nil, galopa au travers de la Palestine et de l’Asie Mineure, fut ému par les débris sacrés de l’Acropole. Mais dans cette terre où les souvenirs se lèvent à chaque pas, Flaubert ne trouva aucune des féeries que son romantisme allait y chercher. Il avait vu dans les Orientales des contrées un peu barbares, mais toutes scintillantes, où l’on pouvait fuir « l’ordinaire de l’existence, l’ignominie des bonheurs faciles, toutes les lâchetés contemporaines », il retrouvait au Caire et à Constantinople les misères occidentales aggravées de quelques autres. Tandis que son compagnon, tout entier au ciel nouveau, rêvait de pousser jusqu’à l’Inde, Flaubert n’osant pas lui-même contrarier des plans qu’il avait acceptés d’avance, employait toutes les influences pour amener M. Du Camp à revenir en France. Les lettres de madame Flaubert, très inquiète de la santé de son fils, brusquèrent le voyage, lit devant le retour prochain, la nostalgie de Flaubert se fondit peu à peu. Il a décrit, dans Salammbô, ce malaise vague qui, sur le Nil, lui cachait le paysage environnant, tournait son esprit vers les pâturages de Normandie.
« Un nuage de poussière brune, perpendiculairement étalé, accourait en tourbillonnant ; les palmiers se courbaient, le ciel disparaissait, on entendait rebondir des pierres sur la croupe des animaux ; et le Gaulois, les lèvres collées contre les trous de sa tente, râlait d’épuisement et de mélancolie. Il songeait à la senteur des pâturages par les matins d’automne, à des flocons de neige, aux beuglements des aurochs perdus dans le brouillard, et, fermant ses paupières, il croyait aperce-