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dait sur son âme. » Ailleurs : « Le chagrin s’engouffrait dans son âme avec des hurlements doux comme fait le vent d’hiver dans les châteaux abandonnés. »

Parfois aussi certaines idées mélodramatiques, des effets trop voulus font sentir le mal dont Flaubert est atteint, le mal que lui ont transmis les écrivains de 1830. Deux exemples : l’arrivée visiblement préparée de l’aveugle lorsque madame Bovary râle, et l’agenouillement de Justin sur la tombe, sous la pression d’un regret immense « plus doux que la lune et plus insondable que la nuit. »

Il y avait antipathie entre la précision sèche du romancier d’Henriette Gérard et les redondances de Flaubert. Théophile Gautier a pittoresquement qualifié son ami de « romantique en chemin de fer. »

Né à Rouen,


……… la ville aux vieilles rues,
Aux vieilles tours, débris des races disparues,
La ville aux cent clochers carillonnant dans l’air[1],


Gustave Flaubert a grandi dans les banalités de la vie bourgeoise. Son père, l’illustre chirurgien, exclusif comme beaucoup d’hommes de science, n’apercevait pas l’utilité des lettres et les dédaignait. Son esprit tout pratique, sollicité sans cesse par les douloureuses réalités de la vie, n’avait ni le temps ni le goût de se perdre dans les chimères ou de s’extasier sur les sonorités d’une phrase. Un roman était pour lui une panacée dans la genre de l’opium, même lorsque son fils en était l’auteur.

Aiguisés par l’ennui ambiant, les instincts de Gustave Flaubert le plongèrent dans ce romantisme qui a nourri bien des générations successives.

  1. V. Hugo. Feuilles d’automne.