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Comme psychologue, Flaubert a la profondeur de Stendhal, et, grâce à sa langue merveilleuse, il traduit des sensations si vagues qu’elles sont presque intraduisibles. Lisez ceci avec attention : « Elle était amoureuse de Léon, et elle recherchait la solitude, afin de pouvoir plus à l’aise se délecter en son image. La vue de sa personne troublait la volupté de cette méditation, Emma palpitait au bruit de ses pas ; puis, en sa présence, l’émotion tombait, et il ne lui restait ensuite qu’un immense étonnement qui se finissait en tristesse. » Que de nuances finement observées et finement traduites ! C’est une a réalisation au delà de laquelle il n’y a pas à rêver. »

À quoi bon entasser volumes sur volumes ? Quand on a écrit Madame Bovary, on peut se reposer.

Les paysages se détachent aussi nettement que les hommes. Flaubert n’a pas commis la lourde faute de déplacer arbitrairement le lieu de l’action : la Normandie encadre son drame comme elle avait encadré les aventures de Delaunay. Les milieux complètent les personnages, et, si la nature reste impassible, elle nous inspire pourtant une bonne partie de nos pensées. C’est ne pas être complet que de faire abstraction, comme les écrivains d’autrefois, de l’endroit où les scènes se déroulent. Nos sensations trouvent leur écho dans les choses d’alentour. L’automne et ses bois jaunis ne nous portentrils pas à la tristesse ? Le printemps et sa verdure ne font-ils pas courir de la gaîté dans nos veines ? Dante dit, dans l’épisode de Françoise : Le livre fut complice de la faute. Ne peut-on pas dire aussi bien : Les choses qui nous entourent sont complices de nos actions. M. Zola a essayé de le montrer dans la seconde partie de la Faute de l’abbè Mouret en donnant