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drap toujours aussi humble, caressant et vil, avec une flamme jaune dans les yeux. Il a ruiné le Lion d’or comme l’auberge rivale. Il mange Yonville morceau par morceau, le gueux. Il ne portera pas tous ses crimes en paradis ! Une carriole file derrière le cortège. Clic ! clac ! c’est M. Léon, le notaire de Rouen, qui passe avec sa dame. En voilà un qui fait bien ses affaires ! C’est un malin ; il ne roucoule plus ; il ne déclame plus de vers élégiaques. Sa grande passion pour madame Bovary l’a guéri ; il chiffre, chiffre, chiffre. L’enterrement s’en va. La cloche, toujours en branle, sous l’effort puissant de Lestiboudois, — les pommes de terre du champ des morts ont donné à ce diable d’homme une vigueur infernale — continue à faire entendre ses clameurs lamentables. C’est une désolation dans le ciel. Une meute, attachée à un arbre sur la place, joint à cette note lugubre de furieux aboiements. C’est la meute de M. Rodolphe, le gentilhomme terrien, qui est à l’auberge, en train de perdre une partie de piquet. Empoisonné par le tabac, abêti par l’inaction et la routine, abruti par le vin, car il boit, le malheureux ! il n’est plus que l’ombre du beau Rodolphe d’autrefois. Ses moustaches si bien cirées jadis sont pendantes ; ses bottes molles couvertes de boue. C’est une ruine. — Voilà, mon fils, les détestables effets de l’inconduite, dit le brave Homais dont la famille prospère. Que ceci te serve de leçon ! — Quant au père Renault, il est mort, sans doute, car voilà un siècle qu’on n’a pas entendu parler de lui dans le pays. Tant pis ! C’était un rustre, mais un brave homme. Celui-là aussi aimait trop la bonne chère et s’enfermait pour s’enivrer. Tant pis !

Telle est la vérité de ces figures, qu’un mot suffit pour les évoquer.