Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chera un autre idéal et trouvera Léon ; que dans sa passion, jamais rassasiée, jamais satisfaite, n’atteignant jamais le bonheur idéal rêvé, elle ira de folies enn folies, d’extravagances en extravagances. À ses sens délirants, il faudra toujours des voluptés plus fortes, comme à l’ivrogne dont le palais est cuirassé il faut des liqueurs plus âpres. Ce seront tous les jours des fantaisies nouvelles, des costumes plus bizarres ; les dettes s’amoncelleront ; les billets seront renouvelés, à l’insu du pauvre Bovary la plupart du temps ; ce sera une ivresse de plaisir qui touchera au délire. À bout d’argent, la sirène criera à Léon : « Si j’étais à ta place, moi, j’en trouverais bien ! — Où donc ? — À ton étude ! Et elle le regarda. Une hardiesse infernale s’échappait de ses prunellesenflammées, et les paupières se rapprochaient d’une façon lascive et encourageante ; si bien que le jeune homme se sentit faiblir sous la muette volonté de cette femme qui lui conseillait un crime. Alors, il eut peur. »[1]

La situation est tendue. Madame Bovary, partout repoussée, s’épuisant en démarches, en supplications, se traînant aux genoux de ses créanciers, implorant en vain la pitié de ses anciens amants, hagarde, sur le point de voir tout son mobilier vendu, redoutant plus que tout le pardon de Charles, va rouler dans le ruisseau, si elle ne prend de l’arsenic. Les faits indiquaient le suicide.

C’est là la fin de ce drame bourgeois et poignant ; les derniers mois du mari idiot et pardonnant n’intéressent plus guère.

Non qu’il n’inspire aucun intérêt, cet homme. Il touche par sa bonté ; il a pour sa femme, non un amour

  1. Madame Bovary, p. 329.