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un curé aussi trivial que Bovary, et !a pauvre incomprise cherche à satisfaire moins platoniquement les ardeurs de son sang. Ce n’est pas l’amour de son enfant qui la retiendra. L’éducation du couvent ne lui a pas appris à s’attacher résolument aux réalités de la vie ; ses yeux restent trompés par un mirage ; toute l’organisation est troublée ; le sentiment maternel s’amoindrit. Elle aimera son enfant par caprices, par boutades, impétueusement ; deux heures après, cette tendresse s’éteindra comme un feu de paille. Par moments, elle en viendra presque à détester la petite à cause du souvenir obsédant de Charles. « Que cette enfant est laide ! » s’écriera-t-elle avec dégoût en la poussant loin d’elle, au risque de la faire tomber et de la blesser. Puis, lorsque l’enfant saignera, pleurante et navrée, ce seront de grands cris, des épanchements de tendresse. Beaucoup d’imagination ; point de cœur.

Après le premier adultère, Emma, emportée enfin dans les contrées bleues, et chatouillée par les délices de la faute, s’épanouira comme une fleur aux premiers soleils. Sa beauté sera triomphante, insultante. Mais peu à peu, la désillusion l’empoignera, et avec la désillusion, le remords. Elle voudra revenir à son mari, l’aimer. Pourquoi n’est-il pas célèbre dans son art ? Que ne voit-elle ce nom de Bovary étalé aux vitrines des libraires ? Elle pousse Charles à ambitionner la gloire, à tenter des expériences. Ces essais du docile bonhomme tournent à sa confusion, le font bafouer par ses confrères, et lorsque Bovary revient chercher une consolation chez lui, plus effrayé des conséquences terribles de son erreur que honteux des moqueries, il est malmené par Emma qui se sauve, colère, enragée, fermant brutalement les portes, va pleurer d’amertume à l’écart