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dame Bovary n’est qu’au souvenir de la triste nuit que passa Flaubert aux pieds du cadavre de son ami Le Poitevin, mort jeune. À propos de l’extrême onction administrée à la mourante, le poète ne fait que commenter les paroles de la liturgie. Il consulta des livres spéciaux.

La charpente de l’œuvre établie, les avantages de la méthode constatés, suivons Flaubert dans les déductions qui lui détaillent les caractères de ses héros.

Le romancier naturaliste, loin de prendre dans une vie, ainsi que l’idéaliste, une période de tant d’années, sillonnées par quelques aventures, a soin de remontera l’enfance et aux impressions premièresd’oùtout doit découler. La méthode ancienne était absurde, car on ne peut voir dans une existence humaine que le développement d’un tempérament et d’un caractère dans des circonstances déterminées. Si l’on ne remonte pas aux causes, comment énumérer les conséquences ? Flaubert obéit à la logique. Dans sa méthode admirable, rien n’est livré au hasard. Le romancier naturaliste part d’un fait ; ce fait est lié à d’autres faits qui l’ont produit. Il n’y a qu’à remonter la chaîne. Ainsi l’auteur de Madame Bovary a dû se dire, en apprenant la mort de Delaunay : Pourquoi s’est-il empoisonné ? — Parce que la mort de sa femme lui avait brisé le corps et l’intelligence. — Et pourquoi le premier suicide ? — Parce que ~la femme du médecin était acculée par une meute de créanciers. — Pourquoi toutes ces dettes ? — Parce qu’elle voulait éblouir, séduire, se livrer pleinement à ses instincts sensuels. — D’où venait cette monomanie adultère ? — Des rancœurs et des dégoûts du mariage. — Pourquoi ces dégoûts ? — Parce que les époux, de