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LE THÉÂTRE

Et les comparses, le notaire et Clavaroche, comme ils ressortent, l’un avec sa bonhomie bête, l’autre avec sa carrure de bel animal, sur le fond banal et sombre ! Les sublimes cris d’amour de Musset et ses gentils proverbes éclipsent trop le Chandelier qui est une grande comédie.

En dehors de ces deux œuvres isolées et des essais successifs de M. Émile Augier, de M. Dumas fils et de M. Sardou, je vois très peu de tentatives modernistes. Notre théâtre contemporain est pauvre, bien pauvre, et l’attitude de la foule n’encourage pas les écrivains de tempérament original. Tous nos romanciers naturalistes ont été plus ou moins siffles au théâtre. Je ne parle pas du Candidat de Gustave Flaubert qui n’apportait rien de nouveau et qui était l’erreur d’un fort écrivain.

Mais a-t-on mieux accueilli l’Arlésienne de M. Alphonse Daudet, cette ravissante pastorale qui se déroule lentement et harmonieusement dans un cadre poétique ? Une simple histoire d’amour malheureux et des milieux exacts. Les déchirements du cœur de l’homme mêlés à la curieuse adaptation théâtrale des mœurs du Midi. À l’époque, toute la critique jeta les hauts cris. Concevait-on un pareil théâtre ? Pourquoi ce continuel retour des mêmes situations ? L’auteur piétinait sur place.

Le massacre de son Arlésienne semble avoir guéri M. Daudet des ambitions scéniques. Il ne croit pas plus que M. de Goncourt à l’avenir du théâtre, en France ; il se contente, lorsqu’il en trouve l’occasion, de marquer son dédain pour les producteurs actuels en quelques phrases malicieuses.

M.Zola, lui, espère bien emporter un jour le théâ-