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tidigitateur dont les muscades procurent une heure d’oubli.

Soit. Mais il faut condamner Tartufe. Il faut condamner Mercadet. Il faut condamner le Chandelier. Il faut condamner ce sévère Théâtre-Français. Les changements à vue du Pied de Mouton et les ballets du Tour du Monde sont beaucoup plus hygiéniques. L’esprit n’a pas besoin de se torturer pendant la digestion ; une aimable récréation de Ja vue prédispose bien mieux au sommeil.

Du moment qu’à la question du théâtre se mêle une question d’hygiène, comme la critique avait raison de s’emporter contre l’abrutissement des féeries et l’idiotisme des cafés-concerts !

Si l’on accepte l’observation au théâtre, comment doserait-on la vérité ? Il est très ridicule de dire : Voilà une limite qu’on ne franchira pas. Les gros bonnets de la critique eux-mêmes ne s’entendraient point. Et quant aux préférences du public, s’en soucier serait renouveler la sottise du Meunier et de ses fils :


……… Est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.


Au théâtre, la simplicité de la forme s’impose : on n’a pas à craindre les excès de virtuosité ; on est sûr d’être compris de la masse. La communication s’établit de plain-pied entre la foule et le poète, et si la foule se révolte, tant pis. Le suffrage universel, inepte en politique, ne me semble pas moins inepte en littérature.

Mais je viens de prononcer là un mot qui, au dire des habiles, n’a rien à démêler avec l’art dramatique. La littérature est une chose, le théâtre une autre chose. Une pièce bien faite peut être très mal écrite.