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les corvées de la bureaucratie, a gardé de son passage à travers le monde des cartons verts une attitude et des idées un peu bourgeoises. Le goût du détail intime est la caractéristique de son originalité.

Il y a dans les discrétions du « home » bien clos, dans les joyeuses flambées dont les crépitements répondent aux bruits extérieurs, dans le froufrou soyeux d’une robe aimée, dans les bouillonnements de la théière sur les cendres chaudes, dans le ron-ron du chat câlin aux prunelles d’or, dans le mouvement lent d’un berceau de dentelles, et jusque dans la fumée de la pipe qui monte en spirales et se perd avec la rêverie, une poésie encore inexprimée chez nous, et dont M. François Coppée a eu l’intuition.


Je suis heureux : j’en ai quelquefois pour des heures
À me bercer alors d’espérances meilleures,
À rêver d’un doux nid, d’un amour de mon choix
Et d’un bonheur très long, très calme et très bourgeois.
J’imagine déjà la saveur indicible
Du livre qu’on ferait près du foyer paisible.
Tandis qu’une adorée, aux cheveux blonds ou noirs,
Promènerait les flots neigeux de ses peignoirs
Par la chambre à coucher étroite et familière…


Nous voilà loin des frénésies de l’amour romantique et des poursuites de Don Juan, chassant devant lui l’insaisissable idéal. La poésie s’humanise, descend des hauteurs où plane l’ode hugolesque, s’attarde avec M. Sully Prudhomme dans la contemplation des vieilles demeures, avec M. François Coppée dans le rêve des existences simples.


N’est-ce pas ? ce serait un bonheur peu vulgaire
D’être, non pas curé, mais seulement vicaire
Dans un viel évêché de province, très loin,
Et d’avoir, tout au fond de la nef, dans un coin,
Un confessionnal recherché des dévotes.