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la première pièce des Intimités à un page blotti muettement dans les jupes d’une reine, restant tout le jour, ses yeux adorateurs fixés sur le visage de sa maîtresse.

Ailleurs, dans le Passant, il s’incarne dans Zanetto, le doux coureur d’avril. Comme lui, il porte mandoline en bandoulière, prêt à risquer un air pour une gorge blanche, pour un œil rêveur à peine entrevu. M. François Coppée est assurément un féminin. Il a des délicatesses exquises et des pitiés de femme pour les petits, les souffrants, les déshérités, les humbles.

Dès le premier recueil, cette tendance s’indique dans le poème intitulé : Une sainte. Parenté entre M. François Coppée et M. Alphonse Daudet, quoique le romancier soit d’une sensibilité moins banale que le poète, plus profonde et plus vibrante. Mais n’est-il pas curieux que moins de trente ans après Indiana et Antony, le public, dédaignant les héros poseurs aux attitudes fatales, reporte toute son attention et son intérêt sur les individualités écrasées par nos civilisations impitoyables aux faibles, odieusement clémentes aux forts ?

Pour traduire en vers ces malheurs et ces joies contemporaines, il fallait posséder un outil poétique d’une rare souplesse. Nous avons été tellement grisés de lyrisme que nous pouvons à peine concevoir la poésie familière. On ne se sert plus de périphrases, mais, quoiqu’en ait dit Hugo, il y a encore bien des mots qu’on ne sait comment introduire dans la poésie. M. François Coppée a réussi à rendre simplement des sentiments simples et vrais.

Parisien parisiennant, il a grandi dans une famille de modestes employés, il a connu les heures de privation, les logements étroits et sans soleil. Il a dû subir