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aux tâtonnements de Balzac. Il y a un quart de siècle que le livre initial court le monde ; Flaubert a des disciples, maîtres eux-mêmes. L’école vivace de Flaubert se dresse maintenant en face de la descendance épuisée de Victor Hugo.

De vigoureux esprits répudient à tort tout embrigadement. La caractéristique d’une école, c’est l’usage de tels ou tels procédés, avec plus ou moins de rigueur et d’à-propos.

Bien des gens trouveront ce mot de procédés terre-à-terre et mesquin. Rappelant leurs souvenirs de collège, ils balbutieront l’éternel servum pecus d’Horace.

Oui, certains écrivains, né» à ces époques que Sainte-Beuve nomme ingénieusement les tournants de la littérature, traduisant comme il peut quelque chose d’intraduisible, apportent avec eux une langue et une formule : les deux choses, distinctes, sont corrélatives ; l’une concerne la forme et l’autre le fond ; par exemple le style abstrait des classiques, voilà la langue ; la tragédie, voilà la formule. Ils font sortir une littérature du chaos ; ils la fixent à peu près pour un siècle. Mais à la suite des Corneille ; viennent les Racine qui se servent de la même langue, du même moule, affinent, perfectionnent. Flaubert est de ces hommes qui, prenant la tâche au point où l’ont laissée leurs prédécesseurs, l’achèvent avec tant de décision et de rapidité qu’ils semblent créer, alors qu’ils accélèrent seulement une transformation fatale. Les fils du grand romancier ont employé ses méthodes et sa langue, en raffinant encore. C’est sottement qu’on les accuse de manquer d’originalité et de vivre aux dépens de leur ancêtre. L’originalité ne réside-t-elle que dans la partie purement technique d’un art ? Ne serait-il pas ridicule